Les Recluses et le Mystère pascal

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LES RECLUSES DANS L’HISTOIRE

S’enraciner dans le Mystère Pascal


Selon la pensée de saint Romuald, ermite et fondateur de l’Ordre Camaldule, la réclusion est l’expression bouleversante d’un amour qui se veut « passage » (Pâque) en Jésus-Christ dans le mystère de sa mort glorieuse.


À travers l’expérience spirituelle des recluses et des reclus présentés dans cette série, c’est précisément le mystère pascal que l’on découvre comme point de convergence. Les Règles écrites au Moyen Âge développent ce point commun et l’inscrivent comme caractéristique de la spiritualité reclusienne.

Entre autres exemples, Aelred de Rievaulx écrit à sa sœur recluse, qu’en fait d’objets de piété, elle ne devrait posséder qu’un crucifix dans sa cellule; la règle Ancrene Wisse révèle que les trois sœurs recluses ne conservaient qu’un crucifix dans leur reclusoir; Denys le Chartreux, dans sa règle Livre de vie des recluses, invite la recluse à fixer constamment son regard sur la Passion du Christ.


Cultiver la mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus devient alors un principe d’unité pour tout l’être.


Contempler le mystère pascal et ses fruits

Les fruits de la contemplation du mystère pascal sont multiples: le cœur devient embrasé de l’amour divin, il grandit en humilité, pleure ses fautes et celles de son prochain, supporte avec patience les combats, se dépouille de ce qui devient obstacle à cet amour, choisit de se laisser transformer en un autre Christ.

Dans la vie des recluses, nous retrouvons facilement un ou l’autre de ces aspects. Que l’on regarde Thaïs qui, au 4e siècle, pleurait ses péchés pendant trois années de réclusion. Ou Mélanie la Jeune au 5e siècle, qui vécut comme recluse sur le Mont des Oliviers à Jérusalem après s’être dépouillée de tous ses biens. Ou encore, Julienne de Norwich qui, au 14e siècle, après avoir reçu les visions du Christ en croix, écrivit Les Révélations de l’Amour Divin. Plus près de nous, au 20e siècle, Nazarena, après sa « nuit bienheureuse », découvrit elle aussi dans la Croix le sens profond de sa réclusion.


L’offrande de soi dans l’intercession

Si le désir des recluses était de disparaître dans le Christ par un effacement total en ce monde, c’était pour infuser discrètement au cœur de l’humanité l’espérance du mystère pascal.

Dom Winfried, ermite camaldule écrivait que la réclusion en Dieu, vécut selon les chemins de la vraie vie en Dieu, conduit à vivre en lui la tragédie du monde.

En choisissant le chemin de l’ensevelissement dans la passion et dans la mort du Christ, la recluse d’autrefois, comme celle d’aujourd’hui, choisit la voie de l’offrande d’elle-même comme moyen d’intercession, portant en son sein les souffrances de ce monde, afin d’ouvrir les nombreux tombeaux à la vie du Christ ressuscité. Car elle sait que la vie ne finit jamais avec la mort puisque la puissance de l’Amour du Père transforme tout pas Jésus dans l’Esprit.


L’Eucharistie, mémorial du mystère pascal

L’Eucharistie est le signe visible de la Présence transformante du Christ en notre monde. Le mystère eucharistique est le mémorial par excellence du mystère pascal, fondement inébranlable de l’espérance chrétienne. C’est pourquoi on retrouve une forte attirance à la célébration de l’Eucharistie et à son adoration, particulièrement chez Julienne de Cornillon et Ève de Liège, recluses du 13e siècle, Colette de Corbie du 15e siècle, Rose de Lima et Jeanne Le Ber du 17e siècle.


Charisme des Recluses Missionnaires

La spiritualité de notre communauté, Les Recluses Missionnaires, s’inscrit dans la même lignée que celle des recluses d’autrefois. Le charisme propre de notre Institut se résume ainsi:


 « À la suite de Jésus, l’Agneau de Dieu,

nous nous engageons dans la voie de l’amour.

Nous sommes entraînées dans son mouvement

de kénose et d’offrande au Père

pour devenir, avec lui,

hosties de louange et d’action de grâce.

La contemplation du Verbe incarné

dans ses abaissements

et du Seigneur ressuscité s’offrant dans l’Eucharistie

creuse en nous un esprit de dépouillement et d’offrande.

Peu à peu, elle nous façonne à l’image du Christ Serviteur

en son mystère pascal. »

Constitutions des R.M. no 8

La mission particulière de la Recluse d’aujourd’hui s’exprime par la prière d’adoration et d’intercession, prolongement du don de l’Eucharistie. D’heure en heure la Recluse célèbre, contemple et adore le Christ dans la totalité de son mystère de Verbe incarné et rédempteur, de Ressuscité vivant en son Église, la Recluse est entraînée dans son adoration, lui le parfait adorateur du Père. Cette adoration tend à faire d’elle, dans l’Esprit Saint, « une vivante offrande à la louange du Père. » (Const. No 38) La Recluse peut alors rassembler le monde entier au creux de son amour.


Figure de l’Agneau-serviteur

« Vivez dans l’amour comme le Christ: il nous a aimés et s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire. » (Eph 5,2)

La figure de l’Agneau immolé attribué à Jésus symbolise tout à la fois son offrande pour le salut de tous et son grand désir de se donner en nourriture de vie éternelle.


L’Agneau immolé dans la nuit de la sortie d’Égypte, au livre de l’Exode, est le même qui s’offre au festin des Noces de l’Agneau mentionné dans le livre de l’Apocalypse.


La recluse privilégie cette figure de l’Agneau-serviteur pour se conformer au Christ et devenir par Lui, avec Lui et en Lui, une eucharistie incessante au cœur de l’humanité. (Const. No 10) Cette offrande d’elle-même dans un esprit d’adoration au Père est le service que la Recluse choisit de rendre à ses frères et sœurs, devenant ainsi mémoire vivante de la Présence du Christ parmi nous.


Les Recluses d’autrefois et celle d’aujourd’hui s’enracinent donc dans le mystère eucharistique, actualisation du mystère pascal.