Bienheureuse Jeanne de Cambry
Un trésor caché
Mgr Maximilien de Gand qualifie la bienheureuse Jeanne de Cambry de « trésor cachée », de « lumière ardente qui ne doit pas être mise sous le boisseau, mais sur le chandelier pour éclairer la maison. »
Recluse à Lille, en France, pendant les quatorze dernières années de sa vie, Jeanne laisse derrière elle plusieurs écrits dont le Traité de la ruine de l’amour propre et bâtiment de l’Amour divin. Grâce à son frère, Pierre de Cambry, nous possédons aujourd’hui un abrégé de sa vie, ainsi que ses principaux textes.
Naissance
Jeanne naît à Douai, au nord de la France, le 15 novembre 1581 et est baptisée le jour même. Elle est issue d’une famille noble, dont le père, Michel de Cambry, est docteur en droit et premier conseiller de la ville de Tournai.
En 1587, son frère naît et deviendra chanoine de l’église Collégiale de Saint-Hermès à Renaix. Jeanne reçoit une éducation chrétienne et grandit à Tournai, en Belgique.
À l’âge de trois ans, Jeanne reçoit une apparition de Jésus en croix avec Marie et Jean à ses côtés. Cette vision sera la source d’une forte dévotion aux plaies de Jésus crucifié et tout particulièrement à la plaie du cœur. Même si, à dix ans, elle ne veut que penser à Dieu, Jeanne vivra au cours de son adolescence quelques années sans trop se préoccuper de Lui. Expérimentant un vide intérieur, elle identifie rapidement la cause et décide de rompre tous les liens pouvant nuire à sa relation avec Dieu.
Recluse chez les Augustines
À vingt ans, son père lui donne le choix de se marier ou de devenir religieuse. Mais Jeanne n’est attirée ni par la vie matrimoniale, ni même par la vie religieuse. Elle se confie alors à la Vierge Marie et petit à petit, l’attrait pour la vie religieuse grandit en elle. Après trois mois de prière et de réflexion, Jeanne choisit de se consacrer totalement à Dieu.
En novembre 1604, à vingt-trois ans, elle entre chez les Augustines à l’Abbaye Notre-Dame des Près, à Tournai, et y prononce ses vœux l’année suivante.
Transfert à l’Abbaye de Sion
Lorsque la nouvelle abbesse du monastère décide de ne plus se soumettre à l’évêque du lieu, une persécution se déchaîne sur Jeanne demeurée fidèle à lui. C’est alors que l’évêque la transfère à l’Abbaye de Sion, toujours dans la ville de Tournai, afin de la protéger. Accueillie par les moniales avec une certaine hésitation, Jeanne gagne leur confiance et leur admiration par sa vie humble faite de prière et d’abnégation de soi.
Le bruit courrait que Jeanne écrivait ses propres livres. Or, l’écriture féminine était considérée comme suspecte à cette époque. Sceptiques sur l’authenticité de ses écrits, les religieuses avaient percé le plancher de sa cellule afin de vérifier si Jeanne composait elle-même sans aucune aide. Émerveillées de constater la véracité de la rumeur, ses consœurs commencèrent à se confier à elle.
En 1621, Jeanne écrit à son directeur spirituel: « Quand Dieu s’unit à l’âme, l’opération en est secrète et intime, et je crois que nul peut faire cette opération sinon celui qui est tout et peut tout. Et quand je vois et sens le néant, le rien que je suis, est uni à celui qui est tout… je ne puis croire que ce ne soit Dieu. » Jeanne est d’autant plus consciente de l’œuvre de Dieu en elle qu’elle connaît son caractère impulsif et colérique.
Prieure de l’hôpital de Menin
Après deux ans à l’Abbaye de Sion, Mgr Maximilien de Gand établit Jeanne prieure de l’hôpital Saint-Georges de Menin. Il lui confie la réforme de la communauté qui ne vit plus selon la Règle. Au début, la communauté s’oppose à Jeanne, mais son témoignage de foi et de patience gagne les sœurs qui retrouvent leur amour pour le Christ et embrassent à nouveau la Règle des Augustines. Seules les trois plus anciennes continueront de persécuter Jeanne.
Cependant, le désir de se livrer totalement à son Seigneur continue de la brûler. Jeanne a soif d’une solitude absolue et sa tâche de prieure lui fait vivre un véritable martyr intérieur. Elle écrit à son directeur: « Je veux vivre et mourir en la croix. Je tiens la croix pour ma mère, ma bien-aimée, ma familière et meilleure amie. »
Réclusion
Connaissant Jeanne depuis de nombreuses années et sachant qu’elle ne recherchait que Dieu en tout, Mgr Maximilien de Gand accepta le désir de Jeanne. Il lui fit construire un reclusoir près de l’église de Saint-André, dans la ville de Lille, en France.
Le 13 novembre 1625, jour de la fête de sainte Catherine, Jeanne entre en réclusion. L’évêque reçoit son vœu d’une perpétuelle clôture et préside la cérémonie entourée du clergé de la paroisse. Il lui donne aussi un nom nouveau: sœur Jeanne Marie de la Présentation.
En conformité avec son directeur, Jeanne suit la Règle de Saint-Augustin ainsi que les constitutions composées de sa main. Elle récite les heures canoniales et celles de Notre-Dame, et passe le reste de la matinée en oraison.
En après-midi, Jeanne travaille de ses mains jusqu’à Vêpres. La nuit, elle se permet trois heures de sommeil seulement. Elle communie tous les jours et reçoit, pendant une heure, les gens qui viennent la consulter.
Après son entrée en solitude, il lui semblait que Dieu lui avait donné un esprit nouveau. Jeanne puisait force et persévérance dans la plaie du côté de Jésus, devenue son unique refuge.
Elle décède le 19 juillet 1639, à 58 ans. Sa réputation de sainteté fit accourir une foule immense défilant pendant quarante-huit heures devant la dépouille de la recluse. Jeanne fut enterrée dans l’église de Saint-André où ses restes demeurèrent pendant cent quarante ans.
En juin 1784, lors de la démolition de l’église, ses ossements furent retrouvés et replacés au même endroit jusqu’en avril 1785, lorsque les Dominicaines de Lille firent la requête pour les obtenir. Le 3 mai suivant, elles en firent la cession aux Dominicains qui les placèrent dans leur caveau au centre du chœur de leur église.
Ses écrits
Petit exercice pour pouvoir acquérir l’amour de Dieu (composé en 1605 ou 1606 lorsqu’elle était novice)
Traité de la ruine de l’amour propre et bâtiment de l’Amour divin (publié en 1622 et en 1627)
Flambeau mystique (publié en 1631)
Traité de la réforme du mariage (composé vers 1626 et publié après sa mort en 1655)
Lamentation funèbre de l’âme captive dans son corps mortel (publié en 1656)
Petit traité de l’excellence de la solitude (publié en 1656)
Traité du triomphe de la croix (inachevé)
Regain d’intérêt
En 2002, Joan Smeaton défend sa thèse Une édition critique des lettres de Jeanne de Cambry, mystique augustinienne (1581-1639), au département d’études françaises, à l’Université de Waterloo.
En 2007, Claire Carlin de l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique, publie un article en anglais: Jeanne de Cambry: Mystic and Marriage Counselor.