Hagioscope

La tradition des recluses

La tradition des recluses remonte aux premiers siècles du christianisme. Alors que dans les nombreux déserts le long du Nil se multipliaient les ermitages, les femmes désirant mener la vie solitaire optaient pour la réclusion qui leur assurait plus de sécurité.

Souvent leur reclusoir était une cellule annexée à une église où, par une ouverture, elles pouvaient s’unir à la liturgie et adorer. Nous en avons une preuve dans la Règle de Grimlaïc datant du IXe siècle.

Fenêtre sur le Saint-Sacrement

Cette Règle, écrite pour les reclus, (il y a eu quelques reclus dans l’histoire mais beaucoup plus de recluses), cette Règle mentionne l’existence d’un hagioscope, fenêtre par où le reclus pouvait voir le Saint-Sacrement. D’autres Règles ou écrits, datant du XIIe au XVe siècle et destinés cette fois aux recluses, nous dévoilent la spiritualité fortement eucharistique de ces femmes solitaires.


Fenêtre sur le monde

Une autre caractéristique des recluses se trouve dans leur prière d’intercession. Certaines d’entre elles s’établissaient à l’entrée des villes ou près des ponts. Les gens savaient que la recluse était là pour prier pour eux.

Les recluses qui vivaient annexées à une église avaient, outre une fenêtre ouverte sur le Saint-Sacrement, une deuxième fenêtre permettant aux gens de leur confier des intentions de prière, comme on peut le voir sur le plan du reclusoir de Colette de Corbie (XVe siècle).

La présence au monde par la prière est mentionnée et encouragée dans la Règle d’Aelred de Rievaulx à sa petite sœur recluse et dans l’Ancrene Riwle, une Règle écrite pour les recluses d’Angleterre. Ces deux Règles anciennes parlent également de la dévotion mariale; toutes deux exhortent les recluses à contempler Marie dans les mystères de Jésus, termes qu’utiliseront plus tard Bérulle et Olier en parlant de Marie.


Quelques recluses

Sainte Mélanie la Jeune est la première recluse dont on fait mention au IVe siècle. D’autres noms de recluses de ce siècle nous sont parvenus: sainte Florence, la protégée de saint Hilaire de Poitiers, et sainte Thaïs, pénitente-recluse devenue soudainement célèbre en 1890 grâce au roman d’Anatole France transformé en Opéra. La Méditation de Thaïs, musique tirée de l’Opéra et composée par Massenet est un classique joué dans le monde entier.



Parmi les recluses du Moyen Âge, nous pouvons mentionner la bienheureuse Ève qui collabora avec son amie, sainte Julienne du Mont-Cornillon, à l’instauration de la Fête-Dieu (XIIe s.); sainte Yvette, veuve de Huy (XIIIe s.); sainte Julienne de Norwich, recluse mystique anglaise (XIVe s.). Les recluses étaient souvent des femmes cultivées et l’on dit que presque toutes les femmes de cette époque, canonisées par l’Église, avaient fait au moins un temps de réclusion.

 

« N’oublie pas d’irriguer ton lys,

avec la pluie des saintes Écritures,

afin qu’il ne se fane pas. »


Hildebert de Lavardin à la recluse Athalise
XIIe siècle.


Gravure Teroni Direx, 1886

Sainte Thaïs mise en réclusion par saint Paphnuce

 

Entrée en réclusion de Jeanne Le Ber

le 5 août 1695


Peinture de Bottoni, 1908

Jeanne Le Ber, recluse montréalaise

Quand Jeanne Le Ber naît en 1662, le grand courant spirituel initié par Pierre de Bérulle et Jean-Jacques Olier, qu’on appellera plus tard la Spiritualité de l’École française ou Spiritualité bérullienne, est déjà bien implanté dans la Nouvelle France grâce aux Sulpiciens. La similitude entre les grands traits de cette spiritualité et celle vécue par les recluses des siècles précédents est frappante: l’adoration eucharistique; la communion aux mystères d’anéantissement de Jésus, en compagnie de Marie; l’esprit apostolique ou prière d’intercession; l’amour des saintes Écritures.

C’est dire que Jeanne, quand elle désira vivre en recluse, entra de plain-pied dans la tradition des recluses, ses devancières. Sa manière de vivre en réclusion, son règlement et même le plan qu’elle fait de son reclusoir nous le prouvent.

Jeanne Le Ber a inspiré la fondation de notre communauté Les Recluses Missionnaires en 1943. Nos fondatrices désiraient l’imiter dans sa spiritualité, dont elles étaient déjà imprégnées, la Spiritualité de l’École française ayant été transmise de génération en génération surtout à Montréal. Elles désiraient également adopter un genre de vie où la solitude et le silence auraient une large part.

Jeanne Le Ber est un idéal, non seulement pour nous, Recluses Missionnaires, mais également pour beaucoup de personnes qui ont appris à la connaître ces dernières années. Elle demeure pour tous une inspiration, un rappel des réalités invisibles.

Grâce à Jeanne, une fille de chez nous, les recluses de jadis, ces femmes exceptionnelles, se font tout près de nous…

 

En savoir plus sur Les recluses dans l’histoire