L’Adoration en Esprit et en Vérité(1)

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L’ADORATION EN ESPRIT ET EN VÉRITÉ

Le culte spirituel


Lecture biblique : Jean 4, 19-24

19 La femme lui dit: « Seigneur, je vois bien que tu es un prophète… 20 nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : c’est à Jérusalem qu’est le lieu où il faut adorer. » 21 jésus lui dit : « crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à jérusalem que vous adorerez le père. 22 vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des juifs. 23 mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le père. 24 dieu est esprit, et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer. »

Prière

Seigneur, nous ne sommes peut-être pas plus profonds que cette femme de Samarie pour saisir tes paroles. Nous te demandons de toujours découvrir la signification de l’adoration que tu nous annonces et que tu réalises. Tu veux nous faire entrer dans le mystère de cette adoration. Oui, Seigneur, crée en nous des esprits ouverts, des cœurs disponibles, qui puissent saisir la dimension de ta Parole. Amen.

Au puits de Samarie

Le texte biblique nous racontant ce qui se passe au puits de Samarie et la parole de Jésus : adorer en Esprit et Vérité, a une grande importance pour situer le mystère eucharistique puisque dans le texte de saint Jean, il y a une opposition, enfin une distanciation tracée par Jésus lui-même entre l’adoration, le culte célébré dans le sanctuaire de Jérusalem et celui qu’il annonce.

La samaritaine est une femme astucieuse. Sa question : « Je vois que tu es un prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne; vous, les juifs, vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer », a pour but de mettre une distance entre elle et Jésus, tandis que lui essaie d’avoir un contact direct avec elle : « Donne-moi à boire… »



Il y a quelque chose de très profond dans ce dialogue et la femme le refuse. Lorsque Jésus dit : « Appelle ton mari », là encore elle refuse. Elle ne veut pas entrer dans un problème qui la touche profondément dans son être. Poser une question religieuse et liturgique, devient pour elle un moyen d’écarter la question de Jésus.

Lorsqu’elle dit : « Faut-il prier sur le mont Garizim qui domine la plaine de Sychar ou bien est-ce sur le mont Sion à Jérusalem? » ce sont là des problèmes à trancher. Elle n’est pas en cause. C’est comme de demander : Est-ce qu’il faut dire le Gloria ou pas à la messe? Ça ne vous met pas en cause.

« Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. »  Quand Jésus parle du Temple de Jérusalem ou du mont Garizim, il affirme qu’à l’heure actuelle, c’est fini : l’Heure est là, nous y sommes.  C’est cela qui doit attirer notre attention, car Jésus dit en quel sens c’est fini et en quel sens quelque chose de neuf commence : « L’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité; ce sont là les adorateurs tels que les veut le Père. » Jésus insiste sur le Père; ce n’est pas un Dieu anonyme, c’est un Dieu qui a un nom.

La femme écarte encore une fois la discussion. C’est trop compliqué… « Le Messie, quand il viendra, nous expliquera tout. » Et la réponse de Jésus : « Moi qui te parle, Je Suis. »  Pas : « Je le suis »  mais « Je Suis ».  Dans saint Jean, l’expression est employée un certain nombre de fois. C’est le Nom de Dieu « Je Suis » qui s’appelle « Yahvé ».


Adorer en Esprit

Qu’est-ce que Jésus a voulu dire par cette « adoration en Esprit et en Vérité »?  Souvent on interprète ce passage en disant : il s’agit du culte intérieur. Il ne s’agit pas seulement de rites, mais il faut que notre cœur, notre comportement profond soit en harmonie avec ce que nous célébrons.

Si c’était pour dire ça, Jésus n’avait qu’à se taire, parce que les prophètes l’avaient dit avant lui; il n’y avait rien de nouveau. Vous n’avez qu’à relire les pages des prophètes où, continuellement, ils bataillent pour que la circoncision du cœur donne vraiment son sens à la circoncision de la chair : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi ».

Par conséquent, si Jésus voulait dire exactement pareil, il n’annoncerait rien de nouveau à cette femme. Lorsque Jésus dit : « un culte en esprit et en vérité », il doit y avoir quelque chose d’assez profond et neuf que la femme de Samarie a beaucoup de peine à saisir et que même la première Église a eu beaucoup de peine à saisir. D’autant plus que Jésus a dit : « Elle est là, cette heure ».


Le culte nouveau par l’eau, le sang et l’Esprit

À la Fête des Tabernacles – jour solennel où sept fois, le clergé va chercher l’eau à la fontaine de Siloé, au bas de l’esplanade du Temple pour ensuite remonter sur l’esplanade en grande procession et l’aspergent en signe de vie où Dieu renouvelle tout – Jésus dit à haute voix dans le Temple :

Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi! Car, dit l’Écriture, de son sein couleront des fleuves d’eau vive

Jn 7, 37-39

Et l’évangéliste Jean commente : « Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui; car il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » Jean se reporte à la Croix au moment où d’un coup de lance, les soldats ouvrent le côté de Jésus, déjà mort, et il en jaillit de l’eau et du sang. Cette eau qui jaillit du côté de Jésus est une eau de vie.

Lorsqu’il dit : « Je suis arrivé au sommet de mon Heure » — souvent traduit par : « Tout est consommé » ou « Tout est achevé » — cela signifie qu’il est arrivé à la plénitude. Ça y est, la plénitude est là, il n’y a plus rien à ajouter, c’est plein, c’est complet. Cette eau qui coule c’est l’Esprit qui transfigure tout. L’adoration « en Esprit » est rendue possible puisque c’est un Seigneur maintenant glorifié qui donne cette eau. Jean le commentera dans sa première lettre : « Il est venu par l’eau, le sang et l’Esprit ». Quelque chose d’extraordinaire, de merveilleux, nous est dévoilée!

L’offrande de Jésus, qui permet à Jean de dire à ce moment-là : « il transmit l’Esprit », que la Pentecôte se réalise, est une offrande faite par l’Esprit Saint. La Lettre aux Hébreux nous le dit, en ne mettant pas l’accent sur ce qu’on appelle « l’immolation du Christ » au Golgotha. Elle dit plutôt ceci : « Le sang du Christ qui, par l’Esprit Saint s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera notre conscience des œuvres mortes, pour que nous rendions un culte au Dieu vivant. »


« Les véritables adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité »,

par leur vie tout entière, comme Jésus,

 dont l’être tout entier, pris par l’Esprit, transfigure tout.


Cette série de réflexions sur le mystère eucharistique sont des extraits de conférences données à la communauté par le Père Pierre Michalon, sulpicien de France (1911-2004). Il a été expert au Concile Vatican II dans le Secrétariat pour l’unité des chrétiens et directeur du centre Unité chrétienne à Lyon de 1954 à 1991.

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