L’EUCHARISTIE
REPAS D’ALLIANCE
Le Christ a institué l’Eucharistie au cours d’un repas. Il ne s’agit pas de n’importe quel repas. Celui-ci se caractérise par sept points : 1. Repas d’adieu – 2. Repas religieux – 3. Repas d’alliance – 4. Repas dans un contexte pascal – 5. Repas du Seigneur – 6. Repas sacrificiel – 7. Repas eschatologique.
3. REPAS D’ALLIANCE
Dans le texte de saint Matthieu (26,27-28) nous lisons: « Présentant la coupe, il dit: Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance. » Saint Marc dit: « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour la multitude » (Mc 14,24). Saint Luc écrit: « Cette coupe est la NOUVELLE alliance en mon sang versé pour vous » (Lc 22,20). Et dans saint Paul (1 Co 11) nous lisons: « Cette coupe est la NOUVELLE alliance en mon sang. »
Tous les récits disent que c’est un repas d’alliance, mais seuls saint Luc et saint Paul précisent que c’est une ALLIANCE NOUVELLE. C’est assez curieux de constater que le plus ancien récit de l’institution, celui de Paul, a mis l’accent sur le fait que c’est une alliance nouvelle. Il y a là un rappel de la promesse de Jérémie 31, 31-34:
Voici venir des jours – oracle de Yahvé – où je conclurai avec la maison d’Israël une alliance nouvelle. Non pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je vous ai pris par la main pour vous faire sortir d’Égypte. Cette alliance, c’est eux qui l’ont rompue. Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, oracle de Yahvé. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Ils n’auront plus à s’instruire mutuellement, se disant l’un à l’autre: Ayez la connaissance de Yahvé! Mais tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands.
Dans l’Ancien Testament, parmi tous les prophètes qui nous parlent de l’alliance que Dieu prépare, Jérémie est le seul qui parle d’une alliance NOUVELLE. Cette alliance nous est présentée comme une restructuration du peuple de Dieu, de telle sorte que dorénavant, c’est du dedans que le Seigneur agira: Je mettrai ma Loi au fond de leur cœur et ils n’auront plus à se dire l’un à l’autre: Je vais t’apprendre quelque chose sur le Seigneur. Ils me connaîtront tous parce que cette alliance que je fais, elle est du dedans. Alors, lorsque saint Luc et saint Paul mettent sur les lèvres de Jésus que l’alliance qu’il scelle, en ce repas, est une alliance nouvelle, on peut penser que ce mot NOUVELLE prenait une densité extraordinaire pour les disciples qui connaissaient les Écritures. Ce qui se réalise, par ce repas du Jeudi-Saint, est une réalisation qui atteindra la profondeur du peuple de Dieu, de telle sorte que dorénavant c’est par le dedans que le Seigneur atteindra les membres de son peuple constitué en cet acte célébré dans cette chambre de Jérusalem.
Isaïe 55, 1-4
Regardons maintenant le passage d’Isaïe souvent appliqué à l’Eucharistie par une extension de sens (Is 55,1-3):
Vous qui êtes altérés, venez vers l’eau; même si vous n’avez pas d’argent, venez. Achetez du blé et consommez, sans argent et sans payer, du vin et du lait. Pourquoi dépenser votre argent pour autre chose que du pain, votre salaire pour ce qui ne rassasie pas? Écoutez-moi et vous mangerez de bonnes choses, vous vous délecterez de mets succulents. Prêtez l’oreille et venez à moi, écoutez et votre âme vivra.
C’est là se nourrir de la Parole de Dieu, n’est-ce pas? Voilà ce pain merveilleux, cette eau qui désaltère. Dieu donne gratuitement. En filigrane se trouve tout l’enseigne-ment du livre des Proverbes: la sagesse qui prépare le repas et la sagesse qui est elle-même la nourriture donnée. Jésus reprendra cet enseignement lorsqu’il dira au chapitre 6 de saint Jean, de le manger lui aussi par la foi: « Écoutez mes paroles, nourrissez-vous de mes paroles. »
Poursuivons avec le texte d’Isaïe 55,4:
Je conclurai avec vous une alliance éternelle faite des grâces promises à David. J’ai fait de toi un témoin pour les peuples, un maître, un chef pour les nations.
Dans ce banquet où l’on se nourrit de la parole, de la sagesse de Dieu, Isaïe montre qu’une alliance éternelle va être conclue. On ne peut pas oublier ces textes en entendant les mots de Jésus au soir du Jeudi-Saint. Dans ce cours récit de l’institution est condensée une synthèse de la foi. Nous sommes obligés, comme avec la couleur blanche, de prendre un prisme pour discerner les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Nous avons vu jusqu’à présent que ce repas est un repas d’adieu, il est également un repas religieux où une alliance nouvelle se conclue.
4. REPAS DANS UN CONTEXTE PASCAL
Les récits de Matthieu, de Marc et de Luc disent clairement que ce repas est dans un contexte pascal: « Vint le jour des Azymes où on devait immoler la Pâque, Jésus dit : Allez nous préparer la Pâque que nous la mangions. » Saint Jean ne place pas le repas directement dans le cadre de la Pâque, mais il le rapproche. Au chapitre 12, lorsque Jésus est à Béthanie, on est à six jours avant la Pâque et puis au chapitre 13: « Avant la fête de Pâque, Jésus sachant que son heure était venue… » Ensuite, saint Jean explique que les juifs ne veulent pas entrer dans le prétoire de Pilate, un païen, pour ne pas contracter une souillure légale afin de manger la Pâque. Et saint Jean spécifie que c’était environ la sixième heure lorsque Jésus paraît devant la foule du tribunal de Pilate. Pourquoi midi? Parce que c’est l’heure où, au Temple, on commençait à immoler les agneaux pour le repas pascal. Et il ajoutera un peu plus loin dans le récit, qu’il ne fallait pas laisser les corps des défunts, des suppliciés, sur la croix parce que la Pâque commencerait bientôt. Puisque Jésus meurt avant le début de la Pâque juive, il n’aura donc pas mangé cette Pâque.
Même si Jean ne dit pas que Jésus a pris du pain et du vin, comme les autres évangélistes le disent, ce repas est tout de même un repas EUCHARISTIQUE. Il n’est pas le repas pascal comme l’explique les trois synoptiques, mais il est important de voir le contexte pascal dans lequel il se trouve. Contexte pascal qui rappelle l’Exode.
Lorsque saint Luc parle de la montée de Jésus à Jérusalem, il dit: « Quand les jours de son ASSOMPTION furent venus ». Et dans le mystère de la transfiguration qui, pour saint Luc, signifie la gloire, de quoi Jésus parle-t-il avec Moise et Élie? Il parle de son EXODE, c’est-à-dire de son passage vers le Père. Alors si, matériellement parlant, Matthieu, Marc et Luc parlent du repas pascal juif, Jean fait ressortir que c’est un NOUVEAU repas pascal. Déjà à la Samaritaine, Jésus avait indiqué qu’il était dorénavant le nouveau Temple en qui le Père serait adoré en esprit et en vérité, maintenant il remplace la Pâque juive par de nouveaux gestes et de nouvelles paroles.
Prochain article: L’Eucharistie comme repas du Seigneur
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