L’Eucharistie: centre des mystères du Verbe Incarné(2)

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L’EUCHARISTIE :
CENTRE DES MYSTÈRES DU VERBE INCARNÉ

Deuxième partie

 

ENRACINEMENT DANS L’ÉCOLE FRANÇAISE DE SPIRITUALITÉ

 

Textes de Jean-Jacques Olier sur l’Eucharistie

 Dans son livre « Le Corps mystique du Christ » le Père Mersch cite un texte de Jean-Jacques Olier:

J-J OlierLa vie chrétienne est pour lui [Jean-Jacques Olier] une union au Christ eucharistique, une communion sacramentelle et spirituelle, qui doit faire passer en nous le culte et le sacrifice de Jésus. 

Or dans ses mémoires, Jean-Jacques Olier écrit ceci:

Le Saint-Sacrement contient tous les mystères en esprit, toutes leurs grâces et leurs vertus. C’est pour cela que Jésus est au Très Saint-Sacrement de l’autel, pour nous communier à tous ses sentiments intérieurs. Il n’a vécu que trente-trois ans dans le monde, pour nous donner l’exemple des vertus et des pratiques héroïques en ses mystères; mais il demeure avec nous perpétuellement, pour nous communiquer ses vertus et nous faire participants de ses sentiments et de sa vie intérieure. 

Lorsque les premiers prêtres de la Compagnie du Saint-Sacrement sont arrivés sur l’île de Montréal, Jean-Jacques Olier était un des promoteurs avec M. de la Dauversière. Lorsqu’ils ont débarqué du bateau, la première chose qu’ils ont faite, a été de célébrer l’Eucharistie. C’est émouvant parce que cela manifeste que ces hommes, qui ont été de grands missionnaires, ont vu que la mission commençait par l’Eucharistie.

Il faut considérer le Fils de Dieu aimant, louant et adorant parfaitement son Père dans la sainte Eucharistie; de même aussi aimant parfaitement et présent pour toute l’Église, et surtout pour celle du purgatoire, aussi bien que pour celle de la terre; de sorte qu’il est tout en prière, en amour, et en religion [en adoration]; et celui qui participe et communie à Jésus Christ en son sacrement de communion, participe secrètement et au fond de son âme aussi bien à ses prières, à son amour, à sa religion comme à sa grâce. C’est là notre dernier achèvement et le chef d’œuvre de notre perfection. (Tiré d’une lettre de Jean-Jacques Olier)

Participer à l’Eucharistie c’est permettre à Jésus de continuer sa mission à travers le monde, en se laissant soi-même imprégner de tout ce qu’il est, de sa prière, de son amour, de sa religion (au sens du XVIIe siècle : d’adoration du Père).

Voici un autre texte de Jean-Jacques Olier:

Celui qui communie est un temple, un autel, une image du sein de Dieu le Père; et là Jésus-Christ Notre Seigneur s’offre à Dieu comme sur le Calvaire et continue ses mêmes sentiments et les mêmes prières qu’il faisait en mourant. [Jésus] entre dans les cœurs par la sainte Eucharistie, et trouve, dans ce chef d’œuvre de son amour, le moyen de satisfaire à toute l’étendue de sa religion [adoration] et d’annoncer partout la gloire de son Père.

jesusenprierePartout où nous marchons, le Christ est en train de faire monter invisiblement de nos vies son cantique d’adoration, de louange, d’amour, de gloire pour son Père. C’est fantastique! Si les gens vous disent je ne sais pas prier, c’est qu’il leur manque la dimension de comprendre à quel point nous entrons dans la christification de nos vies. Ces réalités nous poussent à devenir des êtres d’action de grâce, comme le souligne Charles Du Bos: « Il nous faut devenir de vivantes actions de grâce. »

Dans ses mémoires, Jean-Jacques Olier écrit l’explication qu’il donnait à ses paroissiens au moment de catéchèses sur la messe:

O Jésus, vous portez une âme dans le sein de Dieu, quand vous êtes uni intimement à elle par la sainte communion; car, habitant sans cesse dans le sein de votre Père, vous faites que l’âme à qui vous êtes uni habite avec vous en Dieu même et que par vous elle participe à la vie du ciel. Vous remettez et rapportez une âme dans son centre en la mettant en Dieu dès cette vie; et il me semble qu’elle ne peut être contente et satisfaite qu’en s’unissant à vous qui lui faites cette grâce.

La sainte communion doit opérer en nous toutes les dispositions et tous les sentiments de Jésus Christ ressuscité et monté dans les cieux; elle doit mettre en nous le désir de la consommation en Dieu, qui nous fasse gémir dans la vie présente. Notre Seigneur disait: « Je languis jusqu’à ce que mon sacrifice s’accomplisse ». Je désire ma consommation, afin que ma vie soit cachée, anéantie et absorbée en Dieu par la communion à Jésus-Christ. Ainsi le sacrifice qui est universel et qui doit tout réunir à Dieu réellement, doit être répandu en nous pour nous porter à Dieu. Il doit s’achever en nous, qui avec Jésus Christ faisons la totalité de l’hostie offerte et présentée à Dieu qui est l’Église communiante à Jésus Christ. Si bien que Notre Seigneur fait de notre cœur une hostie consommée dans le feu divin, et de notre corps une hostie immolée à la gloire de Dieu.

 

Dévotions eucharistiques

Il est évident que nous pouvons, avec cette grande doctrine de la perpétuité des mystères du Christ dans sa glorification et de leur présence sacramentelle dans l’Eucharistie, avoir un critère de discernement pour juger nos attitudes de dévotion. Dans la mesure où nous avions perdu le sens de la réalité eucharistique, on a multiplié les dévotions. C’est assez curieux de constater que leur multiplicité est arrivée à mesure que le sens profond de la réalité eucharistique se perdait et que le sens de la vie liturgique diminuait. Avec le Concile Vatican II, la réforme liturgique de la Semaine Sainte a permis de recentrer les célébrations sur l’essentiel du mystère célébré.

Par exemple, la célébration eucharistique du Jeudi Saint était jadis le matin où on centrait tout sur le reposoir très démonstratif et décoratif. Maintenant, la célébration est le soir, à un moment où les gens peuvent y participer, et le reposoir est sobre. L’attention est plutôt tournée vers la célébration de la Dernière Cène. Dans la réforme de l’Office du Vendredi Saint, le récit de la Passion selon saint Jean nous permet de communier au mystère du chemin de croix du Christ. Or, certaines paroisses éprouvent toujours le besoin d’offrir un Chemin de Croix animé, comme si nous ne l’avions pas vécu lors de cette lecture à l’Office de l’après-midi. Et pour véritablement entrer dans la Vigile Pascale, la réforme a remis la célébration au coucher du soleil au lieu du matin, comme cela était autrefois, afin de vivre cette attente de la victoire de la Lumière de la Résurrection sur les ténèbres du péché et de la mort.

C’est également important de centrer les dévotions eucharistiques, telles l’exposition et les Saluts au Saint-Sacrement, les Heures Saintes, les processions eucharistiques, à la célébration liturgique de l’Eucharistie. Que le lien apparaisse toujours, car le danger existe de séparer les dévotions eucharistiques de l’acte liturgique.

 

Conclusion

Notre attitude envers la présence eucharistique sera une attitude de RÉCEPTIVITÉ. Elle sera aussi, après cette ouverture, d’offrir au Père cette portion d’amour, de louange, d’adoration du Verbe incarné qu’il actualise en chacun d’entre nous par le rayonnement de sa présence eucharistique. On ne prie pas pour acquérir quelque chose. Dans la certitude que le Christ est au milieu de nous, nous nous unissons à lui et nous le laissons prier en nous sans savoir ce qu’il fait. Nous ne voulons pas penser à nous mais nous lui faisons de la place. N’oublions pas que le Christ a prié à notre place et que cette petite portion d’amour de Jésus, qu’il a faite à NOTRE PLACE, nous devons la prendre aujourd’hui. Il faut donc d’abord nous ouvrir, laisser déferler en nous son amour, de la manière qu’il voudra, et nous offrirons par le Christ à son Père cette portion d’amour par laquelle il nous aime et par laquelle il veut être aimé.

 

Prochain article:  L’Eucharistie, ouverture à la mission

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Cette série de réflexions sur le mystère eucharistique sont des extraits de conférences données à la communauté par le Père Pierre Michalon, sulpicien de France (1911-2004). Il a été expert au Concile Vatican II dans le Secrétariat pour l’unité des chrétiens et directeur du centre Unité chrétienne à Lyon de 1954 à 1991.