L’Église: communauté eucharistique(1)

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L’ÉGLISE :

COMMUNAUTÉ EUCHARISTIQUE

Première Partie

 

Lecture biblique : Ac 2, 42-47

42 Ils se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. 43 La crainte s’emparait de tous les esprits : nombreux étaient les prodiges et signes accomplis par les apôtres. 44 Tous les croyants ensemble mettaient 
tout en commun; 45 ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre tous selon les besoins de chacun. 46 Jour après jour, d’un seul cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple et rompaient le pain dans leurs  maisons, prenant leur nourriture avec 
allégresse et simplicité de cœur. 47 Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Et chaque jour, le Seigneur adjoignait à la com-
munauté ceux qui seraient sauvés.

 

Prière

Seigneur, nous te rendons grâce pour cette germination merveilleuse de ton Église à ses débuts. Veuille lui donner toujours ce même dynamisme pour que, avec des yeux toujours renouvelés, elle voie les merveilles que tu opères lorsqu’elle est à l’écoute de la parole des Apôtres, lorsqu’elle vit dans la communion fraternelle et qu’elle est fidèle, toujours, à la fraction du Pain et aux prières. Amen.

 

L’Église, une « koinônia »

Deux textes conciliaires sont très clairs sur cette question de l’Église comme communauté eucharistique. Le premier texte promulgué par le Concile, la Constitution sur la liturgie, dit ceci:

La liturgie par laquelle, surtout dans le divin Sacrifice de l’Eucharistie, s’exerce l’œuvre de notre Rédemption, contribue au plus haut point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église. (Sacrosanctum Concillium # 2)

La principale manifestation de l’Église consiste dans la participation plénière et active de tout le saint peuple de Dieu aux mêmes célébrations liturgiques, surtout dans la même Eucharistie. (Sacrosanctum Concillium # 41)

Et dans la Constitution dogmatique sur l’Église, au numéro 26, il y a de nouveau une affirmation du même poids. Nous parlons ici des Églises diocésaines, des Églises locales.

Cette Église du Christ (Église universelle), est vraiment présente dans toutes les communautés locales des fidèles, légitimement réunies autour de leurs pasteurs et que le Nouveau Testament lui-même appelle « églises ». En effet, là où elles se trouvent, se trouve aussi le Peuple nouveau appelé par Dieu dans le Saint-Esprit et avec une pleine assurance. C’est en elles (les églises locales et diocésaines) que l’annonce de l’Évangile du Christ rassemble les fidèles, qu’est célébré le mystère de la Cène du Seigneur « afin que, par la chair et le sang du Seigneur, soient étroitement unis tous les frères de la communauté ».

Toute assemblée liturgique, relevant du ministère de l’évêque est un signe de cette charité et de cette « unité du Corps mystique ». Dans ces assemblées eucharistiques souvent petites, pauvres et éloignées les unes des autres, le Christ est présent, qui, par sa puissance, rassemble l’Église une, sainte, catholique et apostolique. En effet, la participation au corps et au sang du Christ ne fait rien d’autre que de nous transformer en ce que nous prenons, affirme saint Augustin.

Donc, la grande affirmation conciliaire reprend la pensée des Pères de l’Église:

c’est dans l’Eucharistie que s’exprime la nature authentique de l’Église.

 

Sur ce point, la Concile monnaye la pensée des Pères et prend à son compte l’élaboration théologique de nos frères de l’Orient orthodoxe et spécialement dans l’orthodoxie russe depuis un siècle. Le concile s’appuie sur ce que la Parole de Dieu nous donne. Le passage des Actes des Apôtres, cité ci-pentecote-mosaiquehaut, suit immédiatement la première prédication des Apôtres à la foule le jour de la Pentecôte. On nous dit que ceux qui accueillirent la parole de Pierre reçurent le baptême; il y avait environ trois mille personnes, ce jour-là, qui se joignirent à la première communauté chrétienne. Ces gens étaient assidus à l’enseignement des Apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. C’est un résumé sur ce que pouvait être la vie d’une communauté chrétienne dès les premiers temps, dont nous retrouvons tous les éléments dans l’Église d’aujourd’hui. L’Église est apostolique, c’est-à-dire en communion fraternelle enracinée dans l’enseignement des Apôtres et qui se bâtit par la fraction du pain, cette fraction du pain célébrée dans une communauté de prière. Voici ce qui est dit sur cette communauté que j’appelle communauté eucharistique:

« Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis ».

 

Dans le texte grec, nous lisons « étaient ensemble ». La mise en œuvre dogmatique, théologique, doctrinale mise de l’avant par le Concile dans les deux documents importants de la Constitution sur la liturgie et de la Constitution sur l’Église, veulent nous dire que l’Église n’est constituée Église, en définitive, que lorsqu’elle devient Eucharistie, qu’elle devient assemblée eucharistique. Sinon elle ne serait qu’un agglomérat, une fraternité, mais il manquerait la dimension fondamentale, à savoir que par l’Eucharistie, c’est-à-dire par le dedans, elle est constituée vraiment Église.

 

Contempler l’Eucharistie pour connaître l’Église

Si je veux connaître ce qu’est l’Église, il me faut regarder ce qu’est l’Eucharistie. Et quand je veux constater comment l’Église se bâtit, il me faut regarder aussi l’Eucharistie. Le Concile a souligné: « Ces liturgieassemblées de chrétiens se font autour de l’évêque qui préside l’Eucharistie » c’est-à-dire que le président de la Table eucharistique, c’est le président de l’Assemblée chrétienne. Le Concile Vatican II a dépassé, avec beaucoup de bonheur, les positions du Concile de Trente. Au Concile de Trente, on distinguait entre le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction. Le pouvoir d’ordre était le pouvoir de réaliser les sacrements et le pouvoir de juridiction était le pouvoir d’exercer une autorité. On ne peut pas séparer l’autorité de l’évêque pour gouverner son peuple de l’autorité qu’il a à le nourrir par les Sacrements. C’est pour cela que le Concile a bien noté que le corps épiscopal se définit par la proclamation de la parole des Apôtres, par l’œuvre de sainteté, par les sacrements et par le pouvoir de conduire le Peuple du Seigneur. Par conséquent, c’est très important, de dire: « Le président de la Table eucharistique, c’est le président de la Communauté ».

La théologie orthodoxe depuis fort longtemps a mis cela en lumière. Paul Evdokimov, un théologien orthodoxe d’origine russe, laïc et père de famille, qui s’est réfugié en Europe occidentale après la révolution et qui a mené un beau travail d’enseignement comme professeur de théologie à l’Institut orthodoxe St-Serge de Paris, a dit cette phrase tellement claire:

C’est dans son être, dans son essence même, que l’Église apparaît comme une « koinônia », une communion; une « koinônia » eucharistique, communion continuée, perpétuée.

Il y a une permanence fondamentale, à savoir que cette Eucharistie célébrée ensemble se continue sans cesse dans l’être même de l’Église, puisque l’Église est construite par cette Eucharistie et qu’elle est vraiment une assemblée eucharistique. Il dit aussi ceci: « L’Eucharistie n’est pas UN sacrement dans l’Église mais LE sacrement de l’Église elle-même. Il la constitue, la manifeste et exprime adéquatement son essence. L’Église est là où l’Eucharistie est célébrée car c’est dans l’Eucharistie que le Christ est avec nous jusqu’à la fin du monde. » L’Église est là où l’Eucharistie est célébrée, enseigne également saint Ignace d’Antioche, parlant de l’évêque qui est le grand célébrant de l’Eucharistie: « L’évêque est celui qui transforme une assemblée en synaxe eucharistique, manifestation plénière de l’Église de Dieu. Le ministère doctrinal de l’évêque se dégage de la présence du culte où l’évêque annonce la Parole et célèbre son accomplissement ultime dans l’Eucharistie ». Et le Père Afanassieff, ce théologien, auteur du livre l’Église du Saint-Esprit, ajoute: « L’Eucharistie réalise éternellement l’Église comme corps du Christ. »

 

Deuxième partie le mois prochain:  

Communion dans le « corps du Christ » 

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Cette série de réflexions sur le mystère eucharistique sont des extraits de conférences données à la communauté par le Père Pierre Michalon, sulpicien de France (1911-2004). Il a été expert au Concile Vatican II dans le Secrétariat pour l’unité des chrétiens et directeur du centre Unité chrétienne à Lyon de 1954 à 1991.