L’Eucharistie: centre des mystères du Verbe Incarné(1)

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L’EUCHARISTIE :
CENTRE DES MYSTÈRES DU VERBE INCARNÉ

Première partie

 

Lecture biblique: Ep 3, 14-21

 14 C’est pourquoi je fléchis les genoux en présence du Père 15 de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, 
tire son nom.
 16 Qu’il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur,
 17 que le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour.
 18 Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur,
 19 vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu.
 20 À Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce 
que nous pouvons demander ou concevoir,
 21 à Lui la gloire, dans l’Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles! Amen

 

Enracinement dans l’École française de spiritualité et les Pères de l’Église d’Orient

J’ai choisi ce texte biblique pour parler de l’Eucharistie comme le centre des mystères du Christ, étant donné que la prière de saint Paul vise précisément ce mystère caché en Dieu et révélé dans l’Incarnation du Verbe, à savoir que toutes choses sont maintenant concentrées dans le mystère du Christ « Christ en vous, vous dans le Christ. »

Si je parle de l’Eucharistie, centre des mystères du Verbe incarné, je me situe dans une doctrine paulinienne et dans une conclusion spirituelle tirée par les Maîtres de l’École française de spiritualité, qui ne font que reprendre une tradition patristique, surtout une tradition des Pères de l’Église d’Orient. Chez les Pères cappadociens, saint Basile en particulier, ainsi que chez saint Grégoire de Nazianze et saint Grégoire de Nysse, nous trouvons beaucoup de ressemblances avec les Maîtres de l’École française. J’ai constaté que Jean-Jacques Olier a cité souvent saint Grégoire de Nysse pour parler des mystères du Verbe incarné.

 

« Pour nous »

Le Christ a vécu toute sa vie de Verbe incarné pour nous. Ce mot POUR NOUS doit être analysé: en français, le mot POUR a un double sens et il traduit deux mots différents. Le mot POUR signifie d’abord mort pour nousEN VOTRE FAVEUR. Quelqu’un vous demande un service, vous réfléchissez, vous voyez que vous pouvez le faire et vous dites: « D’accord, je ferai cela pour vous », c’est-à-dire en votre faveur, pour vous être agréable, pour vous aider. Il y a un deuxième sens qui signifie À LA PLACE DE. Par exemple, vous auriez une démarche à faire auprès de l’Archevêque et vous ne savez pas bien comment vous y prendre. Vous connaissez le secrétaire particulier de Monseigneur et vous lui exposez votre affaire. Il vous dit: « Eh bien, je m’en charge. Je verrai cela avec l’Archevêque. » On retrouve alors le sens: je ferai cela « pour vous », c’est-à-dire à votre place. Or, il est dit constamment dans le Nouveau Testament, que le Christ a vécu pour nous, qu’il a offert sa vie pour nous, qu’il est ressuscité pour nous. Parfois cela signifie EN NOTRE FAVEUR et parfois le mot employé signifie À NOTRE PLACE.

Voici un exemple:

Le Christ est mort et a réparé nos fautes « pour nous », en notre faveur et à notre place. Nous n’avons plus à porter le poids du péché, le Christ l’a porté à notre place dans le mystère de sa Passion. Ceci est important, parce que nous percevons que cela n’est possible pour Jésus que parce que, non seulement il nous représente tous, mais aussi il nous contient tous en lui.

Le Christ est né dans une certaine période, dans un village particulier, dans une certaine famille. Cependant, il est celui, comme dit saint Paul (Rm 5), qui mérite d’être appelé « Adam », cela veut dire « l’homme » tout court. De même qu’il y a eu l’homme en qui l’harmonie de l’union avec Dieu a été cassée – or nous sommes tous présents en cet homme, notre union en Dieu a également été brisée – il y a maintenant celui qui devait venir et qui est venu, le Christ Jésus devenu le « nouvel Adam ». En lui, nous sommes tous contenus et, par conséquent, du moment qu’il a vécu de l’amour de son Père et de la grâce qui réconcilie tout, en lui nous sommes imprégnés de cet amour du Père et réconciliés avec lui.

 

« Les actes du Verbe Incarné sont éternisés »

Tous les actes du Verbe incarné, TOUS, sont des sources inépuisables puisque par la résurrection ces actes sont éternisés. Ils sont donc des sources intarissables pour la vie des membres de son corps. Par exemple, les actes d’amour de Jésus enfant pour sa mère, sont des actes qui demeurent éternellement vivants. Certains auteurs de l’École française de spiritualité ont développé toute une réflexion théologique sur les mystères de l’enfance de Jésus.

Autre exemple: le Christ qui discute avec les gens pour essayer de leur faire comprendre le Royaume de Dieu, comme avec la Samaritaine ou avec Nicodème. C’est un dialogue vécu à une certaine époque mais qui maintenant est éternisé dans le mystère du Verbe incarné ressuscité. Toute la richesse de grâce vécue par Jésus dans cette conversation demeure comme une source intarissable de grâce pour celui et celle qui voudra bien y participer aujourd’hui.

Jesus parmi nousNous pensons souvent aux grands actes de la vie du Christ: son incarnation, sa naissance, son institution de l’Eucharistie le Jeudi Saint, sa passion, sa mort, sa résurrection, son ascension. Mais dans l’intervalle, il a vécu comme tout le monde. Et cette vie comme tout le monde est chargée d’un potentiel de richesse, de « grâce » qu’il a vécu pour lui, mais comme Jésus nous représentait tous il l’a vécu en notre nom à tous et, par conséquent, en faveur de nous tous. C’est donc éternisé. Quand Jésus marchait sur les routes de Galilée ou de Judée ou de Samarie, c’était Jésus bien sûr qui marchait mais, dans son mystère de Verbe incarné, c’était tous les membres de son corps en quelque sorte qu’il portait. Et lorsque, au cours des âges de la vie de l’Église, les membres de son corps marchent pour annoncer la Bonne Nouvelle et être ses témoins, ils marchent de cette grâce, de cette force, de cette espérance dont Jésus était rempli sur les chemins de Palestine.

 

« L’Eucharistie actualise les actes du Verne Incarné »

Puisque le Christ dans sa glorification de Pâques et son Ascension a éternisé ce qu’il a vécu une fois pour toutes, nous ne pouvons pas avoir – si nous restons au plan de la prière – d’autre louange, d’autre adoration, d’autre action de grâce, d’autre intercession que la louange, l’action de grâce, l’adoration, l’intercession du Verbe incarné. Il a prié à notre place, en notre faveur. Par conséquent, lorsque je prie je dois prendre, comme disait Jean-Jacques Olier, cette portion de louange, d’amour prierque Jésus a vécu et je dois aujourd’hui m’ouvrir pour laisser passer en ma vie ce qui a été vécu par le Seigneur Jésus. Il faut donc me laisser pénétrer par les richesses du Christ, qui sont maintenant miennes. Aujourd’hui chacun et chacune d’entre nous, n’a qu’à prendre la petite parcelle de louange que le Christ avait mise sur ses lèvres à lui et qui était ma part à moi.

L’Eucharistie est donc l’actualisation de ces réalités de Jésus Christ: sa prière, son amour, sa louange; les réalités du Verbe incarné petit enfant, jeune homme, dialoguant avec les uns, en butte à l’hostilité avec les autres. Ce sont les réalités de Jésus à Gethsémani, aussi bien que dans le jardin de la résurrection, aussi bien que dans la chambre haute de Jérusalem; c’est Jésus réalisant son ascension au ciel. Tout cela est actualisé dans l’Eucharistie. Pourquoi? Parce que Jésus veut les rendre présentes au monde jusqu’à la fin des temps. Il veut rendre présentes ces réalités qu’il a vécues une fois pour toutes sous un signe concret que nous appelons un signe sacramentel. Un signe sacramentel que l’on voit, que l’on touche et qui est porteur de la réalité insaisissable par nos sens. Si bien que l’Eucharistie est, non pas simplement la présence du Christ dans son être de ressuscité, mais elle est la présence du Christ actualisant au cours des siècles et dans l’immensité des espaces ce qu’il a réalisé une fois pour toutes dans sa vie de Verbe incarné. Si bien que, si Jésus a vécu à une certaine époque et pendant un nombre restreint d’années dans un certain coin du monde, aujourd’hui le Christ Jésus, par les signes eucharistiques, répand partout son action de Verbe incarné d’une manière visible et sensible. Sa mission terminée et arrivée à sa plénitude le jour de sa glorification, continue toujours sur la terre par sa présence ici, dans les signes sacramentels de l’Eucharistie. Et il y a également un autre signe, le signe ecclésial: l’Église qui est son corps. L’un étant lié à l’autre.

 

Deuxième partie le mois prochain:  

Ce que Jean-Jacques Olier a écrit sur l’Eucharistie

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Cette série de réflexions sur le mystère eucharistique sont des extraits de conférences données à la communauté par le Père Pierre Michalon, sulpicien de France (1911-2004). Il a été expert au Concile Vatican II dans le Secrétariat pour l’unité des chrétiens et directeur du centre Unité chrétienne à Lyon de 1954 à 1991.