L’Eucharistie, mystère constructeur de l’unité

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L’EUCHARISTIE

MYSTÈRE CONSTRUCTEUR DE L’UNITÉ

 

L’Eucharistie, un mystère

vitrail-eucharistieL’Eucharistie est un mystère et non un miracle. Le changement du pain et du vin au Corps et au Sang du Seigneur (qu’on appelait autrefois « transsubstantiation »), n’est pas un miracle. Le miracle est d’ordre expérimental, tandis que le mystère est une réalité donnée, qui n’existe que dans le Seigneur et où c’est lui qui fait tout. Ce n’est pas le domaine de l’expérimental, on ne peut saisir le mystère. Si nous pouvions le saisir, c’est-à-dire le manipuler avec notre intelligence, nous tuerions le mystère. Il faut au contraire que nous soyons dans une attitude d’ouverture, comme les mains tendues, pour accueillir une réalité que nous ne saisissons pas et que nous ne pouvons manipuler en l’expliquant.

L’accent n’est pas sur « je ne COMPRENDS pas » mais sur « je ne m’explique pas COMMENT ». On n’explique pas ce qui est de l’ordre du mystère, il faut se situer à un autre niveau. Par exemple, face à ce mystère qu’est pour nous la vie intime des Trois Personnes divines, j’accueille la réalité de la vie trinitaire, j’essaie de m’y laisser insérer pour communier à la réalité de cet Amour donné. Dans le mystère de l’Incarnation, le Verbe, la Parole, prend vie sous la puissance de l’Esprit. Le fait est affirmé, mais le « comment » ne peut pas être expliqué. Il en est de même du mystère eucharistique, qui nous assure la présence totale du Christ. Le fait nous est dit, mais le « comment » nous échappe. Il n’y a pas d’explication de l’Eucharistie, c’est un don gratuit qu’on reçoit. Le Christ nous est donné, mais je ne m’explique pas comment il se donne, ça ne tombe pas sous mon expérience intellectuelle.

 

Communier au même « corps »

« Mangez-en TOUS… buvez-en TOUS… »
selon l’Évangile de Matthieu 26, 26-27

Dans la Bible, boire à la même coupe, c’est entrer en participation au même héritage: on fait partie de la même famille. Partager le pain, est le geste du père qui fait entrer dans son cercle familial l’invité. C’est un geste de partage qui exprime des liens étroits: quand on a rompu le pain avec quelqu’un, ce n’est plus pour nous un étranger, on en est responsable et on doit même le défendre s’il est attaqué.

Dans la communauté primitive, les premiers disciples « se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, À LA FRACTION DU PAIN et aux prières » (Ac 2,42). Et saint Paul enseigne aux Corinthiens: « La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas une communion au sang du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps; car tous nous participons à cet unique pain » (1 Co 10, 16-17).

eucharistie_pain_donnéCe qui fait l’unité ce n’est pas d’être ensemble à la même table, mais de partager le même Pain. Et la communion est une entrée en participation avec LA PERSONNE du Seigneur Jésus. Communier au corps du Christ, c’est communier à sa PERSONNE. « Offrez donc vos personnes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu, ce sera là votre culte spirituel » (Rm 12,1). En grec, nous disons « offrez vos CORPS », ce qui veut dire, vos personnes, tout votre être. La division de l’homme en corps et en âme n’est pas la conception biblique pour qui le corps et la personne est tout un.

« Ceci est mon corps qui est pour vous » (1 Co 11,24). Aussi nombreux que nous soyons, il a pour tous même signification: c’est la Personne de notre Seigneur Jésus Christ et nous entrons tous en participation avec sa Personne. C’est cela qui bâtit l’unité. Il y a Église, non par la totalisation des personnes placées côte à côte (une masse de personnes peut faire un meeting, pas une Église), mais parce qu’il y a une attitude commune de foi et d’amour, attitude créée et alimentée par l’Eucharistie. Voilà ce que veut dire saint Paul. Et toute la vie communautaire doit trouver dans cette réalité commune qu’est l’Eucharistie, sa source et sa force. C’est pour cela d’ailleurs que l’Église n’est pas une société. L’Église est une COMMUNION, créée par le mystère eucharistique. Et sa règle de vie, de foi, de pensée, c’est l’Eucharistie.

 

L’Eucharistie, source d’unité

Est-ce que l’Eucharistie est pour nous un objet? Si c’est un objet, nous pouvons spéculer dessus, mais cela ne nous tient plus ensemble. Quelle est la spiritualité propre qui explicite tout dans notre vie? Quand la communion s’effiloche, ce n’est pas des règlements, des chapitres et des coutumiers qui remettront les choses en place, mais c’est en allant chercher la source profonde du mystère de l’unité de nos familles spirituelles. Et cette source n’est pas ailleurs que dans l’Eucharistie.

Une communauté a toujours besoin de redevenir une communauté, ou plutôt une COMMUNION; c’est-à-dire participer aux mêmes réalités spirituelles. Pour retrouver le sens profond de sa vocation, chacun a besoin de se remettre dans la communion plus profonde aux mystères du Christ. Et plus spécialement au mystère qui les contient tous: l’Eucharistie. Nous verrons dans une autre réflexion comment l’Eucharistie contient tous les mystères du Christ.

 

« Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps;
car tous nous avons part à cet unique Pain. »
(1 Co 10,17)

 

transformation-du-ble-en-painIci saint Paul nous met au cœur du mystère. La source de tout ce qui peut être valable dans une vie de communauté est à trouver dans le mystère du corps du Christ. « Ayez les mêmes sentiments » dira encore saint Paul. Il n’est pas possible de vivre dans l’amour fraternel, le pardon, le support mutuel, la compréhension, la joie, si ce n’est dans le « Corps du Christ » présent dans l’Eucharistie. Jésus a attendu au soir du Jeudi Saint pour donner son commandement: « Aimez-vous COMME je vous ai aimés » parce qu’il savait qu’avant, ses disciples n’avaient pas le moyen de le vivre, que c’était impossible sans l’Eucharistie. « Comme » dans saint Jean veut dire: « en participation ». On comprend que Jésus n’ait donné, dévoilé son commandement que dans le climat eucharistique, dans la Réalité où lui-même est réellement présent.

 

« Lorsque vous vous réunissez, ce n’est pas le Repas du Seigneur que vous prenez,
mais chacun se hâte de prendre son propre repas ne discernant pas le Corps du Seigneur » (1 Co 11).

 

Dans le reproche de saint Paul à la communauté de Corinthe, il met en lumière que ce n’est plus le repas du Seigneur, parce qu’il n’est plus célébré dans l’unité de la communauté. Chacun comprend sa vie à sa manière; il y a division et l’acte posé est en contradiction avec ce qui est célébré. Nous ne pouvons vivre l’Eucharistie que si, en même temps, nous cherchons à vivre dans la communion ecclésiale. En nous présentant à l’Eucharistie, il nous faut porter au moins une blessure d’ouverture à nos frères et sœurs.

Si l’Eucharistie bâtit la communauté, inversement, elle suppose un minimum d’unité de la communauté. L’Eucharistie est signe et moyen de l’unité: elle peut créer l’unité et doit la créer car elle est « sacrement de l’unité ». Communier ensemble suppose l’unité et indique que nous cherchons à entrer toujours plus en elle.

À l’Eucharistie, nous formons une assemblée célébrante et non pas une masse de gens. Chacun y a son rôle: le célébrant comme président de l’assemblée, les fidèles comme assemblée célébrante. Mais pour être cette assemblée célébrante, il faut avoir au moins une ouverture les uns envers les autres. C’est pourquoi les prières pénitentielles sont tout à fait à leur place au début de la célébration eucharistique: le péché divise mais le pardon réunifie. Le pardon est renouvellement d’amour, d’unité. Si notre cœur est fermé et qu’on entre ainsi dans la célébration, il est bon de s’en ouvrir au Seigneur pour lui demander pardon. Car si le péché nous divise, le pardon, lui, nous unifie; même si psychologiquement il reste encore un petit quelque chose. Nous pourrons alors vivre avec plus de vérité notre sacerdoce baptismal car c’est dans la mesure où on vit dans la charité qu’on vit son sacerdoce baptismal.

« Le Christ a offert sa vie pour rassembler les enfants de Dieu dispersés. »
« Par sa croix, le Christ a abattu tous les murs de séparation. »

 

Au fond, dans le mystère de l’Eucharistie, l’Église retrouve le sens de l’unité car la croix abat tous les murs.

 

Prochain article:  L’Eucharistie: Que tous soit UN

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Cette série de réflexions sur le mystère eucharistique sont des extraits de conférences données à la communauté par le Père Pierre Michalon, sulpicien de France (1911-2004). Il a été expert au Concile Vatican II dans le Secrétariat pour l’unité des chrétiens et directeur du centre Unité chrétienne à Lyon de 1954 à 1991.

 

  1. Madeleine Caisse Bleau

    Je suis très heureuse de pouvoir lire cet enseignement sur l’Eucharistie. Merci à vous!