L’EUCHARISTIE:
BANQUET DU ROYAUME
Repas eschatologique
Nous avons déjà abordé l’Eucharistie en employant l’expression de saint Paul « le repas du Seigneur »: un repas d’adieu, un repas religieux, un repas d’alliance nouvelle, un repas dans un contexte pascal et un repas sacrificiel. Maintenant nous regarderons l’Eucharistie comme un repas à perspective eschatologique.
Tous les récits de l’institution ne manquent pas de souligner la dimension de l’attente du Royaume, en même temps qu’il y a une affirmation que nous nous trouvons dans les derniers temps. En voici quelques extraits:
– « Je vous le dis : je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père » (Matthieu 26, 29; Marc 14,25).
– « J’ai désiré avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. Car je vous le dis, je ne la mangerai jamais plus jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu. » Prenant alors une coupe, il dit : « Prenez-la et partagez entre vous. Car je vous le dis : je ne boirai plus désormais du produit de la vigne jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit venu » (Luc 22, 15-18).
Sous des formes différentes, l’Eucharistie est située dans la PERSPECTIVE ESCHATOLOGIQUE DE L’ATTENTE DU ROYAUME mais aussi dans cette affirmation QU’UN MONDE NOUVEAU COMMENCE.
Car plus loin dans le récit de saint Luc, ces paroles de Jésus sont rapportées : « Je dispose pour vous du Royaume, vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël » (Luc 22, 29-30). Juger veut dire gouverner au sens des juges d’Israël, c’est-à-dire du gouvernement du peuple de Dieu.
Ce sont alors les derniers temps puisque pour Jésus l’espace du monde est terminé. Il annonce qu’un monde nouveau commence avec ce repas qu’il inaugure, que déjà il dispose du Royaume pour ses disciples et il leur donne rendez-vous dans la plénitude de ce Royaume, jusqu’à ce que cette Pâque ait son accomplissement, ce qui implique jusqu’au retour du Seigneur. L’Eucharistie n’est pas présentée seulement comme une promesse du Royaume, elle est présentée également comme les prémices et l’anticipation du Royaume. Les arrhes du Royaume sont données dans l’Eucharistie qui déjà amène le début de la totalité du Royaume. Et tout cela se passe dans la lumière de la résurrection. En particulier le texte de saint Paul : « Vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » Le Seigneur qui vient, est celui qui est glorifié. C’est donc dans la lumière et dans la puissance de la résurrection que ce repas eschatologique se célèbre dans l’Eucharistie.
Chaque Eucharistie est un appel pour la venue du Seigneur dans son Royaume. Dans l’Apocalypse, nous voyons cette vision d’anticipation, ce dévoilement du plan de Dieu sur son Église. Cette vision met en œuvre le Seigneur Jésus, le Glorifié, le Témoin fidèle, le Premier-Né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre; « à lui soit la gloire et la puissance pour les siècles des siècles », il est « l’Alpha et l’Omega », « il est, il était et il vient », il est « le Maître de tout », il est « l’Amen de Dieu ». Cette vision se déroule le premier jour de la semaine, c’est-à-dire le jour de la célébration eucharistique, et qui, dans saint Jean, est le jour de la résurrection.
Toute célébration eucharistique est un repas avec le Seigneur glorifié nous recevant à sa table et se donnant LUI-MÊME en nourriture. Ainsi en recevant sacramentellement son Seigneur, l’Église est relancée sans cesse dans une attente et déjà elle goûte ce que, en totalité, elle vivra lorsque le Christ sera tout en tous; alors il n’y aura plus de sacrement, ni de sacrifice sacramentel.
Nourriture pour la route
En donnant l’Eucharistie, LE SEIGNEUR DONNE À SON ÉGLISE DE REPRENDRE COURAGE ET DE CONTINUER LA ROUTE. Dans les vieilles hymnes eucharistiques, l’Eucharistie est appelée « panis viatorum », pain de ceux qui cheminent, de ceux qui font la route, des voyageurs. Cette Église chemine, précisément, toujours au milieu des souffrances et des persécutions; petite et faible, elle sera toujours au milieu des contradictions. Mais elle reçoit de cette nourriture la force, le courage afin de poursuivre son chemin au milieu des difficultés et des faiblesses de ses membres. Mais cela va plus loin. Comme le Concile Vatican II le dit à la fin du chapitre premier de la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium: cette Église a toujours besoin de se purifier.
L’Église : sacrement du salut
L’Église est « sacrement du salut pour tous les hommes » (Lumen Gentium #48). C’est-à-dire que le sacrement est l’aspect visible par lequel nous l’atteignons; et cet aspect visible est déficient, comme tous nos sacrements. Pour le sacrement de l’Eucharistie, le pain et le vin, sont une matière très fragile, tellement fragile qu’on a de la peine à saisir le pain dans les ciboires pour donner la communion. Et l’Église a des visages transparents de Jésus Christ, mais il y a des visages qui lui font un peu opacité. On ne peut pas dire que tout ce que l’Église exprime dans sa vie concrète, soit toujours lumineux de la luminosité du ciel. C’est pour cela que le pape Jean XXIII disait :
« Nous allons réunir un Concile et nous allons essayer de nous interroger sur ce que veut Jésus Christ pour cette Église. Et, quand nous aurons fait cette réforme nous pourrons penser à dialoguer avec nos frères des autres Églises chrétiennes. »
Alors, non seulement chacun de nous a besoin de se réformer, mais l’Église elle-même, en tant qu’elle est sacrement, a besoin sans cesse de se purifier. L’Eucharistie est le don que le Seigneur lui fait dans le signe sacramentel du pain et du vin et avec des paroles : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Cette Eucharistie est sainte parce que l’Esprit Saint l’opère. Même si parfois la farine n’est pas très belle, même si le vin n’a pas une grande teneur pour son goût, cette pauvreté permet au Seigneur d’être tout entier là par la puissance de son Esprit. De même cette Église, recevant cette Eucharistie, se purifie en tant qu’Église et reçoit le courage d’avancer dans une meilleure lumière vers son Seigneur qui revient.
Si c’est vrai pour la communauté ecclésiale tout entière, c’est vrai pour chacun, chacune d’entre nous. Le Seigneur nous donne, dans chaque Eucharistie, de prendre courage, de reprendre luminosité, pour continuer notre route, parce que nous sommes les citoyens des derniers temps. L’Église a toujours enseigné que c’est le repas eucharistique qui nous prépare à la RENCONTRE DU SEIGNEUR et non pas notre mort. La mort n’est qu’un des éléments pour rencontrer le Seigneur Jésus. Mais continuellement l’Eucharistie nous y prépare.
La rémission des péchés par l’Eucharistie
C’est pour cela que l’Église a toujours enseigné que l’Eucharistie remet les péchés. C’est un des grands sacrements de la rémission des péchés, par le fait même qu’elle nous apporte la réalité de celui qui est le Sauveur, le Vivant, le Premier-né d’entre les morts. La mort et le péché ont été vaincus. Le sacrement de réconciliation a pour but de nous réharmoniser dans un dialogue avec le Christ. Mais tous les sacrements remettent les péchés selon des angles différents. La tradition qui vient des premiers siècles l’a enseigné :
Du moment que je m’approche de l’Eucharistie avec ce regret de ne pas avoir pleinement été transparent au Christ, le Christ me remet sur la route pour avancer encore plus vers lui.
L’Eucharistie : gage de la résurrection
Chaque Eucharistie nous conforte dans cette vue que nous sommes des hommes et des femmes qui avançons dans le mystère de notre propre résurrection. Il y a une phrase de saint Irénée, au sujet de l’Eucharistie, qui dit ceci : « Nos personnes recevant l’Eucharistie ne sont plus corruptibles car elles reçoivent le début de l’incorruptibilité ». Chaque fois que nous communions, nous sommes en quelque sorte relancés dans cette vue d’espérance et de foi que nous sommes des êtres ressuscités en train de vivre peu à peu les dimensions de la résurrection. Saint Irénée précise : « Nos corps, recevant l’Eucharistie, désormais ne sont plus corruptibles. » Seulement, ce germe de la résurrection qui grandit en notre être grâce à la nourriture eucharistique n’apparaît pas. Et pourtant ça se réalise. Nous nous transfigurons par l’Eucharistie. Évidemment, si nous le disons de chacun d’entre nous, nous le disons de l’Église tout entière.
Conclusion
Cette grande perspective de l’Eucharistie comme banquet du Royaume nous est donnée. Toute Eucharistie nous dit : regarde au-delà de la durée, des espaces que tu vois. Chaque Eucharistie célébrée dans toutes ses dimensions d’espérance eschatologique ouvre notre vision et notre cœur aux dimensions de l’amplitude du Royaume.
Prochain article: L’Eucharistie, mystère constructeur de l’unité
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